lundi 31 octobre 2016

En marche à contre sens sur le diesel

Vous trouverez sur le Huffington Post la lettre ouverte d'Oliver Blond, Président de Respire, adressée à l'ancien ministre de l'économie et de l'industrie Emmanuel Macron.

http://www.huffingtonpost.fr/olivier-blond/en-marche-a-contre-sens-sur-le-diesel/


En marche à contre sens sur le diesel

Permettez-moi de regretter que votre diagnostic de l'état de la France fasse si peu de place aux questions de santé et d’environnement.

Lettre ouverte à Emmanuel macron.
Cher Emmanuel Macron,
Vous avez initié un diagnostic collaboratif sur l'état de la France, préambule à la construction d'un projet qui devrait être publié prochainement et que de nombreux citoyens attendent avec curiosité.
Permettez-moi de regretter que ce diagnostic fasse si peu de place aux questions de santé et d'environnement – des questions qui agitent l'association Respire que je dirige, mais aussi de plus en plus de citoyens.
Vous mentionnez certes dans l'une des 176 "slides" de ce diagnostic la question de la pollution de l'air : "48 000 décès par an pourraient être attribués aux particules fines PM 2.5". Je vous en remercie, même s'il y a deux erreurs dans la même phrase : les 48 000 décès sont attribués à la pollution de l'air en général et non pas seulement aux PM2.5, et ces décès sont attribués par les experts de Santé publique France, l'institution officielle en charge de ces questions et ils n'ont été contestés par personne – il n'y a donc pas de raison de mettre un conditionnel.
En France, la pollution de l'air tue 10 fois plus que les accidents de la route.
Quoi qu'il en soit, le problème est d'importance. En France, la pollution de l'air tue 10 fois plus que les accidents de la route ; à Paris, c'est 60 fois plus ! En termes économiques, le coût de la pollution de l'air a été évalué à plus de 100 milliards par an par une commission sénatoriale.
Votre réserve sur ce sujet m'étonne ; elle contraste avec vos déclarations du mois d'août qui plaçaient le diesel "au cœur de la politique industrielle française". Car les moteurs diesel, qui constituent aujourd'hui près de 70 % du parc automobile national, sont responsables d'une part décisive de cette pollution et des décès qu'elle cause.
Certes, les moteurs les plus récents émettent, en masse, beaucoup moins de particules que ceux d'il y a 20 ans, notamment grâce aux filtres à particules. Malheureusement, cette diminution n'est une bonne nouvelle qu'en apparence.
En effet, les filtres exercent leur action en cassant les particules les plus grosses (appelées PM10) pour les détruire ou les transformer en molécules plus petites. Mais ce sont ces dernières qui sont les plus dangereuses. En fait : le problème s'aggrave !
Ce n'est pas tout : les moteurs diesel - et particulièrement ceux équipés des filtres - émettent des gaz toxiques appelés NOx. Ces NOx se recombinent avec les autres gaz ambiants et créent de nouvelles particules (dites secondaires), elles aussi toxiques. Pour résoudre un problème, on en crée donc un second !
Le diesel est une impasse technologique : c'est le minitel de l'automobile.
Tout cela, alors que le scandale Volkswagen puis celui sur les tests d'homologation nous apprennent que les différents diesels commercialisés en Europe ou en Amérique émettent, en situation réelle, jusque 15 fois plus de NOx que les valeurs limites !
Bien entendu, les moteurs à essence et ceux des deux roues polluent également. Mais le temps est passé d'un classement entre le pire et le moins pire. Il faut regarder plus loin. Le diesel est une impasse technologique : c'est le minitel de l'automobile. Ce n'est pas en l'améliorant qu'on a inventé Internet. Ce n'est pas en collant une nouvelle rustine sur des moteurs polluants qu'on inventera la mobilité de demain.
Et si vous défendez le diesel pour sauver des emplois, laissez-moi vous rappeler que ce ne sont pas les écologistes qui menacent le secteur automobile français : ce sont les concurrents internationaux qui ont mieux compris les enjeux technologiques et sociaux.
Deux industries technologiques, dans lesquelles la France excellait au XXe siècle, connaissent une crise profonde faute d'avoir perçu l'importance d'une révolution technologique.
De la même manière, ce ne sont pas les écologistes qui menacent le secteur nucléaire. C'est la baisse vertigineuse du coût des énergies renouvelables, désormais moins chères (stockage inclus) que l'énergie nucléaire produite par les nouvelles centrales de type EPR !
Les deux cas sont similaires : deux industries technologiques, dans lesquelles la France excellait au XXe siècle, connaissent une crise profonde faute d'avoir perçu l'importance d'une révolution technologique et environnementale.
Les constructeurs automobiles français ont raté le coche de la voiture hybride, ils sont à la traîne sur la voiture électrique. Ils n'ont pas besoin d'être consolés ou réconfortés dans leurs erreurs actuelles, mais au contraire d'être stimulés ou provoqués, alors que le monde des transports connaît une révolution d'une ampleur sans précédent, que ce soit dans les technologies ou les usages.
"Partir du réel pour apporter des réponses neuves", écrivez-vous sur votre site. Cela vaut aussi pour les enjeux de santé publique et les transformations industrielles. L'innovation politique, c'est aussi de placer l'écologie au carrefour des transformations sociales et économiques de notre temps.

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